jeudi 29 juillet 2010

Petits bouts de la vie de la rue

Les taxis qui te frolent nt en klaxonnant, esperant que tu aies besoin d'eux
La vendeuse guatemalteque entre Calle Sexta et Avenida Revolucion qui etale ses souvenirs a la noix pour les touristes
Un groupe d'Etasuniens perdus qui se jette sur moi, seule blanche a dix kilometres a la ronde, pour me demander si je parle anglais, si la frontiere est bien de ce cote, qui ne me croient pas quand je leur indique la direction opposee et qui continuent dans le mauvais sens.
Des clowns qui font leur numero dans le bus : "Yo conozco una poesia" "A ver, digame" "Poesia federal de la Republica mexicana..."
Des gamins qui font la manche sur la avenida Revolucion a une heure du matin, leur offrir le dernier bout de mon gateau au chocolat
Discuter avec des mariachis a l'entree du Mexique, les ecouter parler de l'importance de la musique, qu'ils transmettent a leurs enfants, des quinceaneras, des mariages...
Commencer une discussion avec un des ces types qui hurlent les destinations des bus, l'entendre dire qu'il est citoyen etasunien mais qu'on est bien mieux de ce cote, et etre tout a fait d'accord
Boire une agua de Jamaica et se dire que finalement, les aguas de guayaba sont meilleures, et vouloir toutes les gouter avant de partir
Un vendeur de chapelets de saucisse a un coin de rue, 5 pesos, c'est donne !
Un homme qui grimpe dans le bus pour chanter (faux) une ballade romantique dont il semble a moitie inventer les paroles en direct
Tous les jours, partir seule de Playas, et tous les soirs avoir quelqu'un qui me raccompagne jusqu'a l'arret de bus, qui me dit que sa casa est ma casa, et qui est trop content d'avoir rencontre une francaise et qui va le raconter a tous ses copains parce que c'est pas tous les jours qu'on en voit par ici
Les vendeurs de fruits qui poussent leur petit chariot de bois decore de couleurs vives, et proposent des mangues decoupees artistiquement en forme de fleurs
Discuter avec un chauffeur de taxi originaire du Chiapas, qui hait Tijuana et passe ses vacances dans des complexes touristiques sur la cote, "ca, c'est beau, au moins."
A chaque fois que je sors de la maison, calculer mon coup pour ne pas croiser le surfer d'en face aux lunettes fluos qui veut m'inviter pour diner en tete a tete - aaaaarghhh
Et puis toujours le bruit, le chaos, l'humour de chaque petite scene de rue, les arbres tailles savamment sur le bord des trottoirs, la bouffee de stress en traversant chaque rue, les rencontres surprises, les gens qui t'invitent manger des tacos exquis et refusent categoriquement de te laisser payer, les sobreruedas...
Il me reste une petite semaine ici, et je viens a peine d'arriver. Ca passe tellement vite, et je me demande bien a quoi va ressembler mon rapport de voyage.

mardi 27 juillet 2010

Une visite au canal

Julio, le photographe tijuanense, Mary, la volontaire canadienne a la Casa, et moi nous sommes entasses hier dans le pick-up de Julio, direction le canal de Tijuana. C'est ici que vivent beaucoup de migrants qui attendent de passer la frontiere ou qui ont ete deportes des Etats-Unis. Le canal est une sorte de grande avenue de beton clair, encadree de deux pentes tres escarpees, et de deux trois-voies rapides. Tout cela s'etend de la banlieue est de Tijuana jusqu'a la frontiere. C'est le seul espace vide qui puisse accueillir toute la population de migrants qui se retrouvent coinces a Tijuana. Au milieu coule une espece de filet d'eau saumatre, melange d'egouts et d'eau de riviere. Nous traversons la route (je vois ma vie defiler huit fois devant mes yeux), escaladons et descendons la pente jusqu'au canal. Personne en vue, le canal est vide sur des kilometres. Julio descend jusqu'a l'une de ces especes de cavites amenagees dans la pente du canal. C'est ici que s'installent la majorite des migrants. Il nous fait signe de venir, on enjambe la barriere, et on descend laborieusement la pente pour le rejoindre. Nous rencontrons Santos, qui vit ici depuis une petite semaine. Il nous serre chaleureusement la main, petit bonhomme souriant perdu dans une vieille parka Nike dix fois trop grande pour lui, mains encrassees et cheveux coupes impeccable. On discute. Il vient de Veracruz, ou il a laisse sa famille car il voulait voir quelles opportunites offrait le reste du Mexique. Il a travaille longtemps dans les champs a Ensenada (quelques km au sud de Tijuana), puis le patron a abandonne l'exploitation et les travailleurs, alors il est monte jusqu'a Tijuana. Il se retrouve a habiter ici, depuis une semaine, avec quatre autres compagnons. Dans le canal, on vit en groupe, pour pouvoir se defendre. Plus au nord, pres de la frontiere, sevissent les differentes bandes de crime organise, qui utilisent le canal comme terrain de jeux. Les dealers et les toxicomanes sont aussi la-bas. La police utilise le canal comme annexe de parking, et vient souvent faire des descentes pour avoir leur quota d'arrestations. Santos a ete arrete cinq fois, detenu cinq fois, relache cinq fois. C'est pourquoi les habitants du canal entassent les ordures en face de leurs abris, pas le choix, c'est le seul moyen de tenir la police a distance, ils ne viendront pas se salir les mains jusqu'ici.
Un homme torse nu sort de l'abri, en rampant sous la porte coulissante, attrape une peluche Titi qui doit tremper la depuis vingt ans, s'en sert comme coussin pour etre a l'aise et decouper sa mangue. Il lance la peau et le noyau sur le tas d'ordures, soupire. Vincente, toute sa famille est aux Etats-Unis, a Chicago, et il ne veut pas retablir le contact avec eux. Je ne veux pas les deranger, dit-il. Vincente a ete en prison aux USA, se mefie des flics comme du cholera. S'ils m'attrapent, dit-il, je suis bon pour perpete.
Je montre mes dessins a Santos, ca lui plait, alors on s'asseoit la ou il y a le moins de crasse, et je le dessine. Je lui montre, trop content, il se reconnait, ca lui plait, et moi aussi je suis ravie. Vincente entreprend de faire un dessin dans mon carnet. "Quelque chose de romantique, c'est plus facile", grommelle-t-il. Vingt minutes de lents traits appliques plus tard, il me tend un dessin au crayon, une rose bien kitsch avec mon prenom en-dessous, le genre de dessins que les marins se font tatouer sur le biceps. Vincente a plein de tatouages, d'ailleurs, le dos recouvert d'encre mais il ne sait plus tres bien ce que representent ces tatouages.
Demain, Santos va travailler dans un restaurant, faire la plonge, laver le sol, et s'il a de la chance, le patron lui donnera cent pesos, de quoi s'acheter quelques vivres qu'il cuisinera au bord du canal, sur un petit feu de broussailles. Il faut arriver tot, avant huit heures, tous les jours, pour avoir une chance d'avoir du boulot. Aujourd'hui, il n'y avait pas de travail. Demain peut etre. Santos a appris a se reveiller avec le soleil. Il sait quelle heure il est en regardant la position du soleil dans le ciel, pas besoin de montre.
Voici comment vivent des dizaines d'hommes et de femmes a Tijuana. Le quotidien est difficile, c'est dur de rester propre quand on vit litteralement dans les ordures, dur de garder le moral quand on pense a sa famille qui est loin, et qu'on ne sait pas si on retournera voir les siens. Alors on vit au jour le jour, tant qu'on peut, en cherchant de quoi s'alimenter et un coin pour dormir, et on remercie Dieu.
Pour leur tenir compagnie, Santos, Vincente et les autres hommes de l'abri ont un petit chat pour lequel ils ont bricole un collier avec une ficelle et une vieille noix, et aussi une chienne qui ressemble plus a une serpillere, Chiquita, qui eternue en permanence et qui aboie quand la police approche.

Jeudi, je vais accompagner Lynn et Cathie, qui m'hebergent en ce moment, jusqu'a Sonora, au bord du Golfe de Californie. Nous allons rendre visite aux Kumeeyai, une communaute indigene avec lesquels ils travaillent pour faire en sorte de developper leur artisanat.

samedi 24 juillet 2010

Ca demenage

Me voila maintenant chez Lynn, qui est membre du collectif Ollin Calli. Ollin Calli est un collectif qui defend les droits des migrants, des personnes d'origine indigene et des ouvriers des maquiladoras. Les maquiladiras sont des usines implantees dans les zones frontalieres du Mexique, appartenant a des entreprises etrangeres. En majorite, ces entreprises sont etasuniennes, mais aussi coreennes (Samsung), taiwanaises (Foxconn), japonaises (Hitachi), hollandaises (Phillips)... A Tijuana, la maquila represente un marche enorme. La moitie des televisions du monde sont fabriquees a Tijuana. La ville represente la deuxieme "maquilapolis" du pays apres Ciudad Juarez. 40% des emplois de la ville sont dans les maquilas, ce qui signifie que la majorite des gens qui arrivent a Tijuana et qui n'ont pas pu suivre d'etudes n'ont pas acces a l'emploi tel que nous le connaissons, dans le secteur des services. Il ne leur reste plus qu'a devenir vendeur de rue, mais encore faut-il avoir les fonds necessaires pour lancer son petit commerce, ou a travailler dans les maquiladoras. Le but explicite de la maquiladora, c'est de reduire au maximum les couts de production. D'ou l'implantation des usines pres de la frontiere, de preference a proximite d'un poste de douane. Les matieres premieres arrivent en general des USA en camion jusqu'aux maquiladoras de la zone d'Otay (a l'est de Tijuana) ou a lieu l'assemblage, puis les produits manufactures sont transportes de l'autre cote, et stockes dans des entrepots que l'on peut voir juste de l'autre cote de la frontiere. Les produits seront vendus aux USA. Ainsi, les couts de transports sont drastiquement reduits.
Malheureusement, le cout du travail est bien moindre au Mexique qu'aux USA. Ainsi, le salaire journalier mexicain equivaut plus ou moins au salaire horaire étasunien. On comprend facilement pourquoi travailleurs et entreprises veulent traverser la frontiere, respectivement du sud au nord et du nord au sud. Le salaire d'un ouvrier de la maquila est derisoire, mais la competition et l'absence d'offre d'emplois font que les habitants ou les arrivants n'ont pas toujours le choix : mieux vaut peu que rien du tout. C'est donc dans des conditions inhumaines que travaillent ces gens. Le rythme de la production ne leur permet pas de boire ou d'aller aux toilettes pendant les heures de travail. Les normes de securite ne sont pas respectees, et il est facile pour l'entreprise de licencier un travailleur qui s'est blesse. Les femmes sont celles qui souffrent le plus de cette situation. Etre enceinte est un motif de licenciement, le harcelement sexuel existe et s'exerce en toute impunite. De plus, les ouvrieres sont souvent des meres celibataires dont le salaire suffit a peine a nourrir la famille, et elles ne peuvent prendre le risque de perdre leur seule source de revenus. La corruption du gouvernement, l'inefficacite de la police, les moyens colossaux dont disposent les multinationales empechent les victimes de defendre leurs droits, par ailleurs garantis par la Constitution mexicaine.
Voici en resume pourquoi Ollin Calli existe. Demain, je pourrai assister a une reunion des membres du collectif, qui doivent decider de certains aspects de leur strategie de communication (logos, flyers, etc). J'espere pouvoir etre d'une aide quelconque. Cette reunion pourrait me donner l'opportunite de rencontrer des ouvriers et ouvrieres des maquiladoras, et j'aimerais pouvoir organiser quelque chose pour passer un peu de temps avec eux, faire de petits portraits afin d'aller au-dela de la statistique, et de prendre conscience de l'impact des multinationales toutes-puissantes sur la vie de tous les jours d'hommes et de femmes.

vendredi 23 juillet 2010

mardi 20 juillet 2010

Nous avons recu a la Casa une jeune fille de seize ans, Norma, reperee par les agents de la frontiere alors qu'elle tentait de passer de l'autre cote avec de faux papiers. Norma s'est mariee cette annee a un jeune homme de 21 ans, et elle est maintenant enceinte de cinq mois. Elle a interrompu ses etudes pour fonder sa famille, mais je soupconne qu'elle ait du se marier par convention apres etre tombee enceinte. Quand on la regarde, silencieuse, polie, discrete, un peu naive aussi, on ne dirait pas qu'elle va etre maman dans quelques mois. Mais Norma prend soin d'elle et de son bebe. Elle reprend des frijoles et des tortillas pour nourrir ce petit humain qui grandit dans son ventre. Elle dort beaucoup. Elle boit beaucoup d'eau. Norma veut passer pour que son fils naisse aux Etats Unis et qu'il soit ainsi citoyen etasunien. Son mari, lui, essaie aussi de passer de l'autre cote. Ce sera un garcon, dit elle, un peu depitee, elle aurait prefere une fille. Mais l'important, ajoute t elle, c'est qu'il naisse bien. Norma aime cuisiner, surtout les enchiladas, se sent capable d'elever un enfant et de tenir une maison, ne voit pas de probleme a etre mariee a son age et se sent prete a etre maman, de l'autre cote.
Ce matin, j'ai pu discuter avec Atanasio, un vieux monsieur qui vend des livres d'occasion. Il a un petit stand de bois, comme un kiosque, rouge, sur le trottoir, encadre de quelques plantes dont il prend soin, et quelques chaises pour discuter avec ses amis du quartier, et quelques fils de fers tendus auxquels il accroche des livres avec des pinces a linge. Je lui parle de mon projet, lui montre des dessins, il rigole en tirant la langue et en plissant les yeux en une mimique non identifiee et dit qu'ils sont chouettes, mes dessins. Tu me ferais mon portrait pour que je l'accroche ici ? C'est parti, avec le chapeau, les lunettes, hop, et puis un deuxieme dans la foulee pour moi. Anatasio pose, tres fier, dans son kiosque. Je lui prends un petit bouquin de recettes mexicaines (avis a vous, en France, preparez le chile, la farine, les tomates, les petites herbes, les oeufs, les piments, j'arrive !!) et lui demande s'il a des livres pour les enfants, pour amener a la Casa YMCA. Il me montre deux trois trucs, ah non, pas question de ramener ca, enfin ! Une bonne partie de son stand est constitue de vieux illustres erotiques que lui amenent les gens, et Atanasio se disait que, bon, c'etait des dessins, ca plait aux momes ! Vous aimez lire ?, je lui demande. "Ah non, moi je ne sais pas lire. " Un grand moment d'absurdite comme je les aime !

dimanche 18 juillet 2010

Jonatan & Celia

Deux rencontres inoubliables en deux jours, je suis vraiment pourrie gâtée.


Jonatan est arrivé hier soir, apres le diner, accompagné d´un agent de protection des droits de l´homme, il saignait du nez, empestait la sueur, la fatigue, la poussiere, la peur. On l´a assis en face d´une grande assiette de riz et de viande, dont il a mangé la moitié a toutes petites bouchées, silencieusement. Jonatan a tenté de passer de l´autre coté accompagné par des coyotes, qui l´ont agressé, volé, sequestré et abandonné aux mains de la police apres avoir pris le papier sur lequel il gardait le numéro de télephone de son frere. Demain apres-midi, il prend le bus pour rentrer au Michoacan, chez ses parents. Jonatan a seize ans, mais en parait vingt-cinq. Il n´a jamais pu aller a l´ecole, alors ce matin, on a pris notre courage a deux mains, on s´est assis tous les deux a la table en plastique de la cuisine, et, au milieu du bruit de la télé, du telephone, de l´odeur des tortillas de Doña Hilda, nous avons entrepris de lui apprendre a écrire son prénom. Le plus dur c´est de savoir comment l´écrire, car cela va lui rester toute sa vie. Nous avons choisi cette version, sans Y, sans H. C´est plus simple et plus mexicain. Jonatan a recopié son prenom en grandes lettres vertes, au feutre, a rempli plusieurs feuilles de papier, recto verso, puis nous avons tout caché, et il l´a ecrit avec plusieurs erreurs, alors il a rempli une autre feuille, encore une faute, il manque un A, alors il a encore rempli une feuille, laborieusement, lentement, avec enormément de volonté - tu ne veux pas te reposer un peu ? Ca fait bientot trois heures que tu travailles. - Non. Alors on a encore tout caché, et il l´a ecrit, comme ca, sans hésitation, Jonatan, avec la majuscule et les minuscules. Et je vous promets que j´ai failli verser une larme.





Celia, elle est venue me dire bonjour cet apres midi, quand je gribouillais sur le boulevard Aguascalientes - je dessinais un magasin qui disait : " Bolsiplásticos de Guadalajara", comme ca, sur une ligne, hop. Tijuana, quoi. Imaginez la secrétaire au télephone : "Bolsiplásticos de Guadalajara, buenas tardes!" Elle est venue, disais-je, on a parlé des trucs basiques - d´ou tu viens, et tu aimes Tijuana, et blablabla- puis elle est revenue me voir. Tu veux entrer boire quelque chose ? Celia est gérante d´un magasin qui brode les logos des écoles sur les uniformes. Ouais. Ils ont des machines avec douze fils differents qui brodent le truc au millimetre pres sur polos et chemisettes blanches. "Je veux t´offrir un T-shirt ou il y a écrit Tijuana" a-t-elle décidé tout de suite. J´ai fait son portrait, et elle m´a laissé la photo de sa fille pour que je la dessine. Celia vient de Nayarit, a une vie de fou qu´il serait difficile de résumer en quelques lignes. Elle n´aime pas Tijuana - a part les quelques endroits ou il y a un peu de nature. Alors on est allées admirer le coucher de soleil a la Presa, dans la banlieue, la ou toute l´eau de Tijuana est stockée - et il y a bien peu d´eau pour une si grande ville, d´ou les coupures d´eau regulieres. On se lave souvent avec l´eau froide du garrafon. Magnifique, la Presa. Les montagnes quasi-nues, et pour lui faire plaisir, je les dessine en supprimant les routes, les pylones et les fils electriques. Elle me ramene a la Casa, non sans s´arreter au bord de la route pour acheter des petites glaces a la fraise et au lait que fabrique le vendeur dans son petit magasin. Hmmiam. C´est tellement fou - et tellement naturel a la fois - cette hospitalité et cette ouverture. J´espere les ramener en France.





Playas de Tijuana, avec David - un Australien qui est venu enquêter sur la détention de mineurs migrants. En face, le Pacifique. A droite, le nouveau mémorial. Ces petites croix symbolisent tous ceux qui sont morts en tentant de traverser la frontiere.



dimanche 11 juillet 2010

La vida en la Casa

Les migrants defilent tres rapidement, tellement rapidement que je me demande si je vais reussir a en interviewer/portraiturer un un jour. La plupart repartent avec un membre de la famille le soir meme, voir quelques heures apres leur arrivee. Les dortoirs sont vides, a l ´exception de Mayte et moi. Mayte vient de Mexico pour etre volontaire a la Casa, elle a un don incroyable pour discuter avec les jeunes qui arrivent ici. Tous ont l´air un peu grognon, la fatigue se lit dans leurs yeux, l´envie d´en decoudre avec cette frontiere aussi. Mais aucun ne se plaint. Ils ont envie d´oublier un peu leurs soucis et se collent a la tele, qui est toujours allumee ici. Telenovelas pourries et emissions cretines se succedent a l´antenne qui capte mal. Alors il faut essayer de les sortir de la, de lancer la conversation, d´en savoir plus sur leur histoire. Pour moi, c´est vraiment difficile parce que mon espagnol est finalement tres mauvais. J´ai beaucoup de mal a les comprendre et c´est frustrant. Encore plus dur de leur parler. Aujourd´hui est arrive Angel, 14 ans, qui a ete fichu dehors apres avoir grandi en Arizona. Il parle anglais - c´est beaucoup mieux dans la langue de Shakespeare. Pas evident de leur demander de faire leur portrait, j´ose pas. Cette maniere de prendre les gens pour objet, finalement, me repugne.
Hier, j´ai pu lire un temoignage d´un jeune qui est passe ici - la historia de ñi vida, ca s´appelle, une feuille recto verso. Un type du Salvador, membre du gang des Maras, qui est arrive aux usa avec sa mere, une vie dure, il pense etre alcoolique, accro a la drogue, mis en prison douze fois. Il a decide de changer, parce que, dit-il, ma fiancee a besoin de moi, j´ai un enfant et je veux etre un bon pere. Le tout en un anglais tres simple, un anglais de gangster lower class, plein de fautes d´orthographe.
Je ne comprends rien a ce que dit Doña Hilda, qui cuisine ici. Ca la fout mal. Meme pas un seul mot.
Demain, Mayté et moi accompagnons le chauffeur, Martín, au DIF pour aller chercher les jeunes migrants - c´est la qu´ils les cuisinent pour connaitre leur identité.

Et puis sinon.. Une balade dans la zona centro de Tijuana avec Mayté. Le marche auc puces immense, ou tu trouves de tout, ou ca sent bon les enchiladas et tu peux t´acheter un bout de viande d´au moins un kilo, non identifie, avec des os et du gras, ou t´asseoir sur une table en platok et tremper ta tortilla dans les saladiers de sauce partages, ou acheter des dvd de contrefacon, des chaussures reparees, des radios volees, des montres rayees, des jouets en plastique ou des pinces fluo pour te faire des tresses. Ici on peint les anes en zebres pour faire poser les touristes Californiens avec des sombreros qui disent bonita, drunk again, borracho ou tijuana. Quartier touristique, ca y est, je suis reperee, ah si j´etais brune et basanee la vie serait plus simple. Les filles en minijupe et resilles attendent le client et se marrent bien. Une discussion avec des vendeurs de medailles catholiques - ici, le grand truc c´est la vierge de Guadalupe, des saints inconnus que les vendeurs ne connaissent pas mais qu´on leur demande beaucoup, ou bien les idoles des narcos en medaille. Partout, il y a des couleurs vives, les destinations des bus peintes en jaune vif sur le pare brise (ce sont d´anciens bus scolaires americains), des arbres fleurissent anarchiquement, ca chante, ca crie, ca attire le chaland, ca sent la bouffe, moi ca me plait !
Hier, panne de bagnole au debut de la nuit avec Mayte et Don Berna, un muchacho nous emmene chez son ami garagiste qui passe une partie de la nuit a rouler des mecaniques penche sous le capot, il nous raccompagne tous les trois a la Casa a deux heures du mat, apres plusieurs heures a se geler dans la nuit tijuanense, a la lumiere de l´ampoule nue, dans une colonia peripherique aux routes de poussiere et de galets, pleine de chats maigrichons et de chiens dejantes.
Trop a raconter ! Je me plais beaucoup ici malgre les difficultes a parler espagnol et a demarrer mon projet, tout le monde est adorable comme tout, et je vous embrasse tous bien fort, un abrazo !

vendredi 9 juillet 2010

Bienvenida en Tijuana

Des bienvenida en pagaille
Une overdose precoce de conferences - exploitation sexuelle commerciale infantile - securite et interdependance a la frontiere nord - la fondation de Tijuana
L'ocean Pacifique
Des couleurs du jaune du vert du bleu du rose peint sur les murs de toute la ville
Des vendeurs de pommes d'amour, de ballons, de coca, de bouteilles d'eau
Avenida Revolucion, Avenida Constitucion
Le smog de Tijuana
Le ciel de Tijuana, le plus beau du monde
Du mal a parler espagnol
Un cafard dans la salle de bains
Pas d'eau ce matin
Mon premier tremblement de terre !!
La Casa YMCA et ses murs bleu flashyssime a l'exterieur orange fluo a l'interieur
Recommencer a manger de la viande et du poisson
Don Bernabe le gardien qui nous emmene en clando a la casa de la cultura, parce qu'il n'a pas le droit de prendre la voiture de la casa, et qui nous parle de ses souvenirs de la ville avec un air nostalgique, tout petit, il atteint a peine les pedales et ne ferait pas de mal a une mouche tellement ses yeux ruissellent de bonte
Des policiers armes jusqu'aux oreilles qui encerclent une maison le doigt sur la gachette et les voitures passent comme si de rien n'etait
La vierge de Guadalupe respectee, adoree
Apprendre que la jeune fille de 17 ans qui a quitte la Casa il y a quelques heures avait laisse son fils de deux ans dans le Michoacan pour pouvoir passer la frontiere
Et bien plus ! Un melange de tout et n'importe quoi et c'est tellement incroyable d'etre ici.
A suivre !