lundi 6 septembre 2010

Vendredi 30 juillet

C'est aujourd'hui que Lynn, Cathie et moi allons dans la communauté Kumeeyai. En silence, nous quittons la grisaille de l'océan pour nous enfoncer dans les terres. Toute la côte est envahie de complexes touristiques et on sent beaucoup plus l'influence étasunienne qu'à Tijuana. Ça se voit, ici, les rois sont ceux qui ont de l'argent, c'est à dire ceux « del otro lado », de l'autre côté. Ceux qui vivent ici n'ont qu'à tâcher de gagner leur croute là-dessus.
Mais une fois que l'on passe les montagnes qui bloquent la brume océanique, C'est un tout autre paysage : de grandes vallées d'haciendas, rancheros à l'air féroce, petits stands de bord de route qui, sous le soleil aveuglant, proposent raspados, tacos, aguas, camions de pastèques ou de maïs ; et l'eau à la bouche. C'est un festin visuel où tout est d'une telle majesté, d'une délicatesse graphique sans pareil. La route serpente le long des abîmes, et sur les roches friables se parsème une infinité de petites plantes grasses à l'air de fleurs fraiches. Si on lève les yeux, le ciel est bleu à souhait et délace ses grands filaments blancs, l'ombre des nuages caresse les longues chutes de reins des montagnes. Tout ici rivalise de sublime.
Au bout des interminables routes de poussière battues par le soleil, nous arrivons dans la nation Kumeeyai. Ils ont sans doute les plus beaux paysages. Les Kumeeyai de cette communauté vivent dans de petites maisons de plain-pied, posées là un peu comme des hôtels sur un plateau de Monopoly, mais je ne sais pas si la comparaison est appropriée. Ils parlent quasiment tous espagnol, ont des enfants, une voiture, parfois des animaux, chiens, chats, chevaux, vaches, poules, chèvres... L'artisanat de la communauté est principalement de la vannerie d'une délicatesse exquise, en beige, brun et noir, entièrement tirée de la nature aux alentours. Les femmes enseignent la vannerie à leurs filles, et c'est un art qui requiert une grande patience, et une formidable précision du geste.
Ce qui m'impressionne, c'est l'amabilité des gens de la communauté., très souriants, d'une grande gentillesse. Mais ce petit tour me permet aussi de prendre conscience des étrangetés d'un tel mode de vie. Les Kumeeyai vivent très loin les uns des autres et ne partagent rien. La politesse veut qu'on ne s'approche pas de la maison à moins d'y être explicitement invité, mais les gens semblent réticents à ouvrir leurs portes. Pour une femme, épouser un homme qui n'est pas Kumeeyai est très mal considéré, c'est un motif d'exclusion sociale.
Le gouvernement investit énormément dans la communauté. L'électricité a été installée grâce aux subventions fédérales, des bâtiments publics ont été érigés, les sols des maisons réalisés avec l'argent de l'État. Le département de l'agriculture offre des subventions pour encourager les Kumeeyai à rester sur leurs terres. Tout ceci est le motif d'un déploiement de propagande pro-gouvernementale sur toutes les routes de la communauté.

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