vendredi 3 septembre 2010

Mardi 27 juillet

Je pars pour le centre de Tijuana que je veux passer le reste de la journée à documenter. Plongée dans la frénésie de la ville, ça grouille de bus, de klaxons, de voitures, de poussière, de taxis, de vendeurs. Trois virgule cinq millions de Tijuanenses et moi et moi et moi, au milieu, je me fraye un chemin, je dessine debout ou sur les bords des trottoirs, quelques passants me complimentent, mais en anglais... Discussion avec un de ces types payés pour hurler les destinations des bus, interrompue par chaque arrivée des lignes. Je prends congé lorsqu'il commence à me demander si j'ai un fiancé -dommage, j'aurais aimé l'interviewer. Ce type est citoyen étasunien et il a choisi de venir ici parce qu'il préfère Tijuana.
Il y a ici une chaine de pharmacies qui s'appelle Farmacias Similares. Leur logo est un bonhomme replet à la peau blanche, avec une moustache et des cheveux blancs, une blouse et de grands yeux baveux. Le Docteur Simi, s'appelle-t-il, et il accueille le client comme un frère, à bras ouverts. Je ne sais pas si c'est l'idée que les graphistes se font du sens de l'accueil, mais moi, il me fait peur. Toujours est-il que le Docteur Simi ne recule devant rien pour que les Etasuniens viennent acheter leur Viagra discount ici plutôt qu'en face. Ainsi, des types ont pour charge d'endosser le costume du Docteur, masque, mains en mousse, toute la panoplie, et de rabattre le client. C'est comme ça que le Docteur est venu me serrer la main cet après-midi. Ce n'est qu'après que je me suis dit qu'il était de mon devoir de Zellidjéenne de mener l'investigation, pour savoir si le Docteur Simi était doué de parole, et dans l'affirmative, d'en savoir plus sur l'être humain qui devait être en train de suer à flots dans son costume en polyester. Quand je suis revenue pour l'interviewer, le Docteur Simi avait disparu. Dégoutée.
Le soir, je dessine sur le Malecon et rejoins un couple qui brave la nuit et le raffut de l'océan en jouant de la guitare. Très vite, des amis, des voisins prennent place autour de la table. On allume une bougie, c'est plus romantique, et Léo le guitariste enchaine corrido sur corrido, repris par l'assemblée. Carlos, un petit garçon enseveli sous un énorme coussin pour rester au chaud, connait toutes les paroles. « Je veux aller en France », me dit-il, et je lui réponds que mi casa es su casa. Pour être honnête, j'espère que tous les gens à qui j'ai dit ça ne l'ont pas pris trop au sérieux, parce qu'on va avoir de petits problèmes de stockage.

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