samedi 28 août 2010

Samedi 17 juillet

Don Berna me réveille à sept heures tapantes en tambourinant à ma fenêtre. Aujourd'hui, la jefa va venir (« la chef », c'est ainsi qu'ils appellent Brenda), alors pas question de flemmarder et on respecte l'horaire. Jonatan et moi dessinons pendant un petit moment, je lui montre comment on peint à l'aquarelle et le laisse essayer sur un dessin que j'ai fait du canal. Il n'a sans doute jamais touché un pinceau de sa vie, et c'est émouvant de le voir apprendre, en faisant tout son possible pour ne pas dépasser. Le résultat est criard, bien sûr, mais pas mal pour une première fois !
Et puis, on passe aux choses sérieuses. Jonatan ne sait ni lire, ni écrire, alors on prend notre courage à deux mains et on s'y met, pour qu'il sache écrire son nom. La grande question, c'est : comment l'orthographier ? La migra, sur les formulaires, l'a écrit à l'étasunienne : Jonathan. Ça se prononce Yonatan. Finalement, on choisit : Jonatan. Plus simple, et plus mexicain. Je lui écris son nom, qu'il recopie plusieurs fois. Je lui enseigne la différence entre majuscules et minuscules. Il remplit une feuille entière de son nom, en grandes lettres, au feutre vert clair. On cache tout, et il essaie de l'écrire de mémoire – ça donne Johxtanh, ou quelque chose comme ça. Moi, ça me fait marrer, mais lui non. Alors il recommence, avec un courage inébranlable. Une autre feuille remplie, laborieusement, lentement, à petits coups de feutre, à l'image de chacun de ses gestes, lents, calculés, précis, des gestes de travailleur. « Tu ne veux pas t'arrêter un peu ? » « Non. » « Mais ça va faire trois heures que tu travailles, tu ne veux pas te reposer ? » « Non. » Et il remplit sa feuille. Alors, on cache tout. Le voilà seul en face de sa feuille vierge et de son feutre vert. Il débouche le feutre, approche la pointe du papier, hésite. Commence à tracer les lettres, une par une, je ne vois pas à cause de sa main. Il finit. Lève son feutre, me montre. « Jonatan », écrit en haut de la feuille, en lettres encore maladroites et tremblantes, mais c'est écrit, simplement, c'est écrit et maintenant il sait écrire son nom, après des heures de persévérance, et c'est dur de ne pas verser une petite larme.

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