jeudi 26 août 2010

Jeudi 15 juillet

Je me sens mal. C'est une sorte de petit coup de cafard qui m'assomme, doublé d'un bon coup de barre. Ouille. Pourtant, j'adore Tijuana – vraiment. Je crois bien que je suis heureuse d'être ici. Mais je me sens fatiguée, comme si toutes les horreurs que je me suis efforcée de considérer pour ce début de voyage me revenaient d'un coup dans la figure et détruisaient la carapace blindée que je me suis forgée avant d'arriver pour, je ne sais pas, me protéger. Je suis fatiguée, et je me sens malade, aussi. J'ai froid et chaud, besoin d'aller pisser, mais je n'ose pas me lever – peur de vomir. J'espère n'avoir rien attrapé.
Bon, je tiens debout. C'est comme si ma peau était hypersensible, je ne supporte pas le contact des draps et de mes vêtements.
Surtout, je doute de mes capacités à entreprendre ce travail. Je ne me sens pas le courage d'aller vers les autres, de discuter en espagnol, de les dessiner, de leur parler... Je ne sais plus très bien ce que je suis venue faire ici.
Et le pire dans tout ça, c'est que je me rends bien compte du luxe dans lequel j'évolue. On me donne de l'argent pour bruler du pétrole et aller voir à quoi ressemble le bout du monde, pour favoriser mon petit développement personnel et mes petites envies de découverte. Avec tout cet argent, on pourrait aider, je pourrais aider l'un de ces héros, l'une de ces héroïnes, qui laissent derrière eux leur famille, leur histoire, pour rejoindre ceux qui les attendent ou pour assurer une existence digne à ceux qui ont besoin d'eux. Ce voyage, c'est bien du luxe, et malgré toutes les valeurs humanistes que chaque boursier porte en lui, je me dis que quelque part, c'est bien égoïste. Honnêtement, qu'est-ce que j'apporte à ceux que je rencontre ? Pas grand chose, et si je viens pour les aider, je peux tout aussi bien le faire dans mon pays, ça, c'est gratuit. En France aussi, il se passe d'énormes saloperies, et des tas de gens ont besoin d'être écoutés et de recevoir un peu de considération.
Je commence à me rendre compte qu'en fait, si je pars, c'est pour mieux revenir – ce qui n'est pas la meilleure façon d'envisager un voyage. Et si je reviens, c'est pour repartir. Entre les deux, eh bien, je suppose que pendant le trajet aller, je stresse, et pendant le trajet retour, je pleure.
En gros, me voilà, grosse chanceuse, ici, à Tijuana, et je dois, il faut que je me réveille et que je fasse quelque chose de mon temps ici, que je construise quelque chose de bien sur les petites bases que j'ai pu établir. Je songe à modifier mon projet, pour en faire plus simplement un portrait de la ville et de ses habitants comme de ses migrants, au hasard des balades et des rencontres. Je crois que ça me correspond mieux, et que ça correspond plus à Tijuana. C'est plus global, et c'est plus clair. C'est aussi plus vaste, bien sur – mais c'est un détail. Allez, hop.

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